Shion s'était arrêté au plein milieu du couloir, provoquant ainsi un embouteillage humain en pleine heure d'influence. On n'osait rien dire, on pestait intérieurement, c'est tout. Le stress, et la fatigue s'accumulaient, mais ils n'en gardaient pas moins leur raison. Pas d'hurlements de manifestation ou autres insultes caractéristiques de jeunes adolescents, ils faisaient le tour, c'est tout. Le grand personnage avait son regard feutré, coulant vers l'écran de son téléphone. Il ne prit pas la peine de réfléchir, le nom du destinataire voulait tout dire. Cela faisait presque une semaine qu'il n'avait plus eu de nouvelles, alors il avait espéré. Il avait espéré que la blonde l'avait oublié, ou avait renoncé vu la difficulté de sa tâche. Il avait espéré qu'elle n'avait plus le temps de s'occuper de lui, qu'elle allait enfin se consacrer à son boulot. A croire que la blonde la maternait en parlant de la sorte. M'enfin, il s'était trompé, c'était trop beau pour être vrai en réfléchissant. A croire que ça le mettrait en rogne, mais au fond, pas vraiment, elle l'occuperait un peu, l'air de rien. D'ailleurs, il se demande pourquoi il avait accepté ça. Il n'avait rien demandé, mais la blonde respectait le principe de l'échange équivalent, et le boulot qu'elle était censé faire sur lui, était tout sauf intéressant. Parce que déjà, Shion savait déjà que la demoiselle allait lui en faire baver. Certes, c'était censé être l'inverse, mais le contexte se situait en dehors d'une salle de cours, et puis c'était dans le contrat. « No limit. » Enfin, il connaissait un peu la blonde, et elle pouvait être très sympathique, malgré toute la folie qui devait l'entourer, mais il doutait un peu. Leur première rencontre avait été plus chaude. Chaude dans le sens où Shion ne l'avait pas ménagé dans l'exercice de son don. Il craignait même qu'elle en irait à se venger. Pourquoi avait-il l'impression qu'il quitterait la demoiselle, presque traumatisé ? Ses yeux roulèrent vers le plafond. Il n'entendait rien. Alors, il ouvrit le message, et ne répondit que d'un simple « okk. » l'air de rien. Il se retourna, et prit le chemin opposé à celui qu'il était censé prendre, par contre, il avait juste un peu faim. Tant pis, il lui piquerait quelque chose.

Une petite lueur de stupéfaction passa à travers ses prunelles obscures quand il sut dans quelle pièce ils allaient se retrouver. Voulait-elle le violer ? Le professeur n'allait que rarement dans les dortoirs, disons qu'il les évite au maximum. Enfin, Shion avait tenté de l'appeler pour qu'elle vienne la rejoindre autre part que dans le « gouffre du diable », mais elle ne répondait pas. Elle faisait surement exprès. Enfin passons, le garçon avait de la chance, la plupart des pensionnaires étaient dehors, profitant surement des quelques rayons de soleil qui avaient commencé à paraitre. Il se faufila discrètement dans le couloir menant vers le dortoir B, l'air de rien. Se souvenant des infos qu'avait donné Ikaru qui la ramènerait dans son antre. Son regard encre dévia sur toutes les portes, cherchant la chambre numéro une. La chose fût rapide à trouver. Il remit alors alors son téléphone dans la poche de son pantalon, se gratta machinalement la nuque, l'air de rien, et ouvrit enfin la bouche.

« C'est moi, j'ouvre. »

Cette phrase sonnait comme si il avait frappé à la porte. Ainsi, il ouvrit brutalement la porte, l'air de rien, et sentit quelque chose le bloquer. Un petit grognement sortie de derrière la porte. Il reconnu la voix de Ikaru. Celle-ci ressortie devant lui, une main sur sa tête, et en soutif.

« ... Pourquoi t'était derrière la porte aussi. ... »

Shion détourna le regard devant la blonde - qui traduisait sa phrase -, qui s'était alors brusquement rhabillée. Enfin, il n'oublierait pas son soutif à la fraise, rien qu'en y pensant, ça le faisait rire, mais passons. Ikaru avait surement dû expulser ses colocataires, ainsi il s'installa sur l'un des lits, jambes croisés, attendant que son professeur arrive.

« Bon. J'ai hâte de voir comment tu vas me faire... changer de bord. »

Elle savait ce qu'il voulait dire, c'était clair comme de l'eau de roche. Comme ça, elle comprendra, elle comprendra qu'il était un cas désespéré.

« Pardooon ? »

Shion fixa Ikaru, comme si la blonde lui avait parlé avec une langue étrangère. Et vu la tête qu'il tirait, elle avait surement dû le constater. La politesse, ce n'était pas son fort. La courtoisie, encore moins. Dans un principe d'égalité, Shion traitait les hommes comme les femmes, et vice-versa. Ainsi, il lui arrivait - rarement, on précise au cas-où - qu'il tape des filles, ou autres cas similaires. Tout le monde devrait être content, non ? Pas que l'on ne se soit pas intéresser à son éducation quand il était enfant, non, il ne s'en est pas trop plaint, non. L'âge le faisait souvent déconner sans qu'il s'en rende compte, ainsi, il a souvent l'impression d'avoir toujours été comme ça. Ce n'est pas un sentiment particulièrement gênant, non. Ses yeux roulèrent quand il su qu'il devait changer de place. Pourquoi ? Il était pourtant très bien là où il était. Malheureusement, elle était le « professeur » aujourd'hui - il ne portait pas vraiment ça dans son coeur, l'autorité, c'était lui ! - et il fût obliger donc de la rejoindre et de se mettre face à elle. Ikaru semblait particulièrement déterminée à le faire changer. Si elle savait... Ça aurait été alors plus simple, elle lui dirait qu'il était un cas désespéré, il hausserait les épaules, s'en foutant, et quitterait la chambre, enfin peinard. Il chercha désespérément un plan pour pouvoir s'échapper un douce, car oui, Shion était un fuyard. Enfin, uniquement quand la situation ne lui plaisait pas. ... Peut-être qu'Ikaru ne supportait pas les blagues sur les blondes... ? Évidemment, monsieur n'en avait pas une seule en tête, pour son plus grand déplaisir. Il chercha alors autre chose, avant que la blonde ne se mette à commencer son cours. Enfin, l'adolescente semblait normale, comparer à toutes les autres qu'il subissait constamment en cours et en dehors. Il était de fait courant qu'Aomori était un repère de fous, après tout. Elle ne lui avait pas encore sautée dessus, et il espérait que ça n'arrive pas. Il toussota légèrement.

« Bah euuuh. Tu m'attendais, je vois pas pourquoi je devrais faire ça. »

Shion la fixa, comme si c'était évident, mais au vue de sa tête, ça voulait dire qu'il avait tout faux. C'était logique tout de même. Et puis, si elle voulait se venger pour la porte aussi. ... M'enfin, elle avait une excuse plausible. Il toussota à nouveau, et continua.

« ... La logique remporte face à la morale ! »

Il tiqua un instant à cette phrase.

« Enfin. Si on prend le fait qu'on baise sa tante parce qu'on l'aime. ... Bah la morale l'emporte. ... Surtout si elle est vieille. »

Il ne rêvait pas. Elle ne l'avait toujours pas étranglée.

Shion avait la faculté d'être à l'aise à n'importe quel endroit. Étonnant pour quelqu'un qui passe son temps à se compliquer inutilement la vie, à se poser sans cesse des questions, parfois sans raison. Non, Shion s'adaptait facilement à un environnement. Il suffisait juste qu'il observe les couleurs, qu'il effleure les nombreuses textures qu’aborde une pièce ou un lieu de vie, parfois de tourner en rond s'il est seul, avant de se poser, peu soucieux du comportement du propriétaire. Généralement, ce dernier ne disait rien. Tant que le noiraud ne fouillait rien, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Ainsi, cela ne l'avait pas gêné quand il se retrouva dans la chambre d'une de ses élèves, dix ans plus jeune que lui. La chose pouvait être assez mal, si elle n'était pas immédiatement comprise. Mais bizarrement, il n'y avait toujours pas pensé, peu soucieux de la chose, peut-être. Malgré le profond dégoût qui l'inspirait à chaque propos douteux - enfin d'après sa façon de pensée. monsieur est très tordu quand il s'y met également. -, il l'écoutait. Pas d'une manière distraite, non. Il l'écoutait, certes pas avec la même ferveur qu'un élève passionné par son professeur, mais il l'écoutait. Parce qu'elle aussi, elle faisait un putain d'effort. Parce qu'ils étaient tous les deux liés par la clause de leur contrat. Et parce que Shion respectait tout ce qui était en rapport avec une promesse, du moins il essayait. Ou quand il arrivait qu'il oubliait également, mais là, ce n'était pas vraiment envisageable. Il aurait beau essayé, il n'arriverait surement pas à oublier, bizarre. Peut-être qu'il avait la frousse, oui de la voir se transformer en prof. Et puis Kagami n'était pas du genre à balancer des mots en l'air. C'est pour cela qu'il se méfait des blondes. Elles paraissent calmes, amicales. Mais elles contiennent des bombes en elle, prête à exploser au moindre faux-pas. Ça paraissait idiot, mais ces anciennes expériences vous prouveront qu'il a raison. Sauf s'il a définitivement la poisse.

Shion n'avait fait qu'hausser les épaules en écoutant la blonde, sur l'importance de toquer à une porte. Le sourire qui s'épanouissait sur les lèvres de celle-ci lui donna alors l'impression qu'elle se moquait de lui. Il s'entendit alors répondre une sorte d'ineptie soudaine, que seul lui pouvait comprendre. Ces comparaisons étaient souvent assez. Comment dire... Étrange, dépourvue de sens. Il se sait plus vraiment depuis quand ça lui était « apparu. ». Surement pour attirer l'attention de ses élèves, toujours en train de s'ennuyer ou de foutre la merde. Et parce que c'était plus simple à comprendre que de trouver une comparaison qui tourne autour. Ouais, surement la dernière proposition. Il finit par poser des pieds sur le matelas pas trop mous, recroquevillant ses genoux contre sa poitrine, faisant un minimum semblant de réfléchir, histoire de faire plaisir à son nouveau professeur. Mais la réponse était déjà là, prête à être servie, le tout avec un léger tiraillement de ses lèvres, pleine du profond et délicieux sentiment qu'est l'ironie.

« Bien-sûr que ça n'a aucun rapport. »

Shion se sentit alors pousser des ailes. Son visage se fendit alors en une longue neutralité qui le caractérisait tant. Il avait l'air mort comme ça. Un mort qui cligne des yeux, qui passa sa main dans ses cheveux, qui fait remuer ses lèvres translucides. Il croisa ses bras et fixa le plafond un court instant, comme si la suite de la réponse y était inscrite, avant de refixer Ikaru. Presque profondément, mais au moins, il ne regardait pas à côté. Ou en bas.

« C'est hilarant. Cette expression que tu nous tires. »

Il le pensait très sérieusement, il aurait du avoir l'expression d'un gars qui se moquait. Mais non, il n'en avait pas envie. Paresse. Et puis, son élève avait l'habitude maintenant. Il s'humecta les lèvres. Il le voyait déjà. Son quota de mots explosait.

« Enfin, pour revenir au point de départ. C'est simple. Quelle idée d'être à demi-nue après m'avoir envoyé un sms. ... Et je ne vois pas l'intêret de toquer, évidemment. »