je n'aurai qu'un mot :
fuyons !

Et zou ! on se barre ! on se tire ! on se taille ! on se fait la malle. Bref. On s’en va vite et loin, vite et bien. Pensez-vous ! des poissons putes et un requin mac. Et puis quoi encore ? Hors de question de rester plus longtemps dans les parages ! Si ça se trouve, le requin, c’est un grand blanc. Et même si ces bestioles ne sont pas des mangeurs d’hommes ; et je te rappellerai, Lilian, que tu es un ondin, là, pas un homme, y a des détails qui t’échappent ; tu n’as non plus envie d’être confondu avec un putain de poisson.

Tu as donc joyeusement chopé ton homologue sirène par le poignet pour nager en vitesse vers… l’inconnu ! … Manquerait plus que vous soyez poursuivis pour cannibalisme ; ou au moins tentative, quoi.

Et puis vous arrivez à une fosse. Grande. Profonde. Echo ! écho ! Qui est Dory ? Qui est le père de Nemo ? Oh la belle colle ! Tu connais pas du tout l’endroit, et t’en as rien à foutre.

T’as pas envie d’être bouffé par un requin.

Tu regardes la sirène à côté de toi.

« … Madame ? on y va, ou… ? »

Ca se mange ?

C'est fun, au fond. C'est joli. Des couleurs, de la lumières déformées par les mouvements des vagues au-dessus. Parfois, une ombre. Un bateau, une baleine, un banc de poissons multicolores ou même un couple de sirènes. Maru s'amuse à souffler, juste pour le bonheur que lui procurent ces petites bulles transparentes qui s'envolent vers la surface.

Maru en oublie presque les nouveaux 'amis' qu'elle vient de se faire. A vrai dire, si elle est partie, c'était surtout pour échapper à la réaction stupide de cet idiot de requin. Enfin, elle aussi, elle voulait visiter un peu. Maru se laisse trainer, regardant à droite et à gauche. De toute manière, le rouquin nage bien mieux qu'elle. Elle rajuste les coquillages qui lui servent de bikini.

Et là, une fosse. Grande. Profonde. Et noire. C'est d'autant plus repoussant que cette fosse l'attire. Ce n'est pas français. Pas grave. Elle rêve ou il vient de l'appeler Madame ?

Maru - Ravale ce madame sinon je te le fais rentrer de force.

Et elle ne te dira pas par où.

Maru - Tiens... Appelle-moi Maru.

C'est quand même mieux que Madame.

Maru - Et on y va !

... oh nan... pas ça

… Euh. D’accord. Tu t’abstiendras de l’appeler « madame » à l’avenir. Tu te contenteras de Maru. Hein ? Apparemment, c’est son prénom. Donc oui. Tu tiens à vivre. Donc désormais, ce sera Maru, et puis zut. … Surtout que bon, hein. Flûte, comme on dit. Et… la fosse a l’air de l’intéresser, non ? Oh non. Oh non. Pitié, non. Tout. Tout mais pas ça. Par pitié, nooon.

… Ah bah si.

Tu viens pas de faire embarquer, là, par hasard ?

« Mais pourquoi mooooooooooiiiiii… »

L’écho prolonge ta question ; accessoirement, te la renvoie dans la gueule ; et fait disparaître le point d’interrogation censé être à la fin quelque part dans ce grand bleu qui s’éloigne, tel la lumière au bout du tunnel.

… Ah bah. Eh. J’y peux rien, moi.

ouuuuuuuuuuuh. kss kss.

Pourquoi lui ? En voilà une drôle de question. Il aurait pu s'en rendre compte plus tôt, non ? Aaaaaah, la jeunesse. Un beau corps mais rien dans la tête.

Maru - Toi parce qu'on est ensemble.

Ensemble pour toujours et même un peu plus. Et Maru va arrêter de chanter la chanson de pokémon parce que franchement, ça fait peine à entendre. Et puis d'abord, le mec - son nom ? - il n'a qu'à se montrer fort ! Au fond, c'est elle le mec, ici. Elle croise ses bras sur les coquillages qui lui servent de bikini et lève fièrement la tête.

Maru - Et puis, d'abord, si t'as peur, t'as qu'à partir.

Mais tu ne le feras pas, pas vrai ?

Maru - Mais je m'arrangerai pour dire à ta copine - si tu en as une - que tu n'es qu'un froussard.

Ouuuuuuuuuuh. Kss kss.

d'abord-que, na. hein

... Et elle est méchante, en plus. Comment vas-tu lui expliquer que — un, tu n'as pas de copine. Juste un béguin qui t'a valu de passer une nuit avec l'envie de taper la tête contre un mur, merci ta propre connerie. Deux : oui, tu es un froussard, mais tu viens quand même de te faire embarquer sans sommations et pour tu ne sais pas où.

Alors tu la fixes, blasé.

« Je sais que c'est ma faute si on s'est éloignés de deux poissons putes et de leur requin préféré, mais quand même. On sait pas du tout où on va et vous me traînez vers le fond où on risque plus de trouver un cœlacanthe qu'un bigorneau. Donc hein... »

T'es toujours aussi doué.

Et rien que pour l'embêter, tu te remets à nager.

... Vers le fond.

Close your tired eyes

Coela-quoi ? Maru savait beaucoup de trucs à force de lire. Mais niveau poisson, c'est à peine si elle faisait la différence entre un poisson rouge et un poisson clown. Quand même pas jusque là, elle avait vu Nemo comme tout le monde. Après, de là à savoir reconnaître un... coelacanthe et un bigorneau. Maurice, tu pousses le bouchon un peu trop loin.

Maru - Et alors ? C'est ça qui est cool, non ? L'inconnu.

Parle pour toi, Maru. Il y a ceux qui veulent tout savoir sur le terrain et ceux qui veulent tout savoir au travers des livres. Et toi, tu fais partie des deux. Mais c'était quand même une chanson inestimable ! Il y avait tellement de choses que les chercheurs n'avaient pas vu au fond des fosses et eux, ils avaient la chance de pouvoir y aller. Sans appareil, avec leurs yeux pour seuls témoins.

Maru - Franchement, les jeunes de nos jours...

Elle repousse ses mèches blanches vers l'arrière de sa tête. Toute cette eau, c'est décoiffant.

Maru - Moi, je me dis que ça fera des choses à raconter à mes enfants et à mes petits-enfants - si j'en ai.

i'm still a coward

Et tu l'entends parler, tout en descendant vers cet inconnu sans... fond. Eh. Attendez ? Y a bien un fond à ce truc au moins ? Tu n'en sais rien. Tout ce que tu sais, c'est que humainement parlant, tu es trop profond pour supporter la pression. Seulement voilà : tu n'es plus humain, espèce d'abruti ! Et c'est comme ça depuis un moment. Donc la pression, elle va se faire voir ailleurs si on y est.

Tu descends, tu descends. Et puis finalement tu t'arrêtes et tu te retournes pour voir si elle suit le mouvement. Apparemment... oh puis zut. T'en as pas tant que ça à foutre, en fait. Si elle a envie de te suivre, elle te suivra. C'est bien elle qui t'a emmené ici, alors bon.

Allez. Tu es reparti, et faudrait qu'elle t'attrape par le poignet pour t'arrêter. Ou que tu croises une bestiole pas sympa quelconque.
... A voir.