Kyoko s’arrêta quelques secondes une fois le portail franchi. Elle parcouru du regard l’imposante bâtisse, la majestueuse allée et les intimidantes portes de bois. Poussant sa moto à la main, elle s’avança lentement. Son visage fermé indiquait qu’elle réfléchissait intensément. Mais qu’est ce qu’il lui avait pris ? Après tout, sa vie n’était pas si horrible que ça, ses grands-parents la laissaient tranquille, elle n’avait pas d’amis mais se complaisait dans sa solitude, ses passions l’épanouissaient et elle avait tout l’argent qu’elle voulait… Un bruit assourdissant la fit se retourner sur les grilles qui s’étaient refermées et vibraient encore avec violence. Kyoko haussa les épaules et se tourna vers les portes de bois. Si elle n’avait pas vraiment compris ce que signifiaient les mots « Tu n’es plus seule », elle sentait au fond d’elle qu’il existait d’autres personnes comme elle. Elle n’était pas sûre par contre de vouloir abandonner ce qui faisait d’elle un être exceptionnel pour ne devenir qu’une personne dotée de télékinésie parmi tant d’autres. Etait-ce cela ? Le pensionnat Aomori était-il une espèce d’asile pour les personnes étranges comme elle, qui pouvait selon leur loisir vous suspendre au dessus du vide ou vous balancer des objets au visage ? Elle n’avait pas la réponse et ne l’obtiendrait surement pas en restant plantée là. De toute façon elle était là et ne pouvait plus faire demi-tour, alors autant aller de l’avant. Elle trouva un coin pour garer sa moto puis monta sur le perron. Elle n’était pas une froussarde d’habitude mais ces portes la faisaient frissonner. Elle respira profondément, poussa l’un des battants… et percuta quelqu’un qui se retrouva aussitôt à 3 mètres du sol, suspendu par une cheville. Se maudissant d’avoir laissé son pouvoir lui échapper à cause de sa surprise, elle tenta de faire redescendre la personne délicatement et, de préférence, sur ses deux pieds. Tentative qui échoua misérablement, à en juger par les cris de... la jeune fille? le garçon? Kyoko n'arrivait pas à le déterminer, d'autant qu'elle tentait de rester concentrée pour ne pas que sa première rencontre ne se conclue par un accident. Les yeux fixés sur l'adolescent qui se tortillait, elle réussit à faire descendre sa malheureuse victime de quelques centimètres.

Aujourd'hui devait être une journée comme les autres dans ce pensionnat. Chisei était descendu au hall d'entrée en passant par les escaliers qu'il descendait toujours assez rapidement avec son don "Ressort". Oui aujourd'hui encore il voulait aller prendre l'air dehors et peut-être pouvoir rencontrer quelqu'un? Il ne le savait pas, comme il ne savait pas ce qui l'attendait un instant plus tard. Il se contentait de tenter le coup. Il traversait le hall à la marche rapide en direction de la porte principale et surprise: dés qu'il atteint la porte, quelqu'un entre et le percute. Et encore, inexplicablement Chisei fut projeté à plusieurs mètres du sol et se retrouva comme suspendu en l'air, par le pied et tête en bas.

Chisei ne comprenait absolument pas se qui s'était passé et il en resta pétrifié par la surprise les yeux grands ouverts, se laissant légèrement balancer dans les airs. "Qu'est-ce qui s'est passé?" se dit-il. Un instant après il apercevait son chapeau de marin à terre qui était tombé et un peu plus loin une fille aux cheveux noirs qui semblait être surprise, mais moins que Chisei. Cette fille semblait être la coupable et essayait de faire redescendre Chisei, mais sa tentative fut si brutale que Chisei en cria de surprise. Chisei se débattait, mais il voyait que la jeune fille faisait de son mieux pour réparer son erreur. La jeune fille le faisait descendre très doucement, mais de quelques centimètres. D'un coup il arrêta de se débattre, se calma, prit une grande inspiration puis dit:

- Hum, tu sais, j'ai l'habitude d'atterrir depuis des endroits qui sont en hauteur. Si tu désactives ton pouvoir, je pourrais facilement me redresser.

Evidemment, Chisei peut sauter à de très grandes hauteurs depuis quelques années, il a l'habitude d'être en hauteur. Même s'il est encore maladroit, il arrive facilement à réatterrir sans se blesser. Il était très confiant. Mais la fille semblait quand même hésiter, et Chisei le voyait bien. Effectivement, la fille ne connaissait pas le don de Chisei.

- Ne t'en fais pas, tout ira bien.

Chisei n'en voulait pas à la fille car il voyait tout de suite que ce n'était pas vraiment volontaire. Il lança un sourire rassurant pour le lui montrer. Tout allait bientôt se terminer et il retrouvera la terre ferme. Mais... Chisei sait atterrir sur ses pieds sans se blesser certes. Mais il semble avoir oublié qu'il a la tête en bas..........

Tandis que Kyoko réfléchissait à la façon de faire redescendre le garçon de sa position pour le moins inconfortable, celui-ci s'arrêta de gigoter pour lui parler.

- Hum, tu sais, j'ai l'habitude d'atterrir depuis des endroits qui sont en hauteur. Si tu désactives ton pouvoir, je pourrais facilement me redresser.

*Wow. Attend une minute. Ce gars-là sait que j'ai un pouvoir?* Reflexion débile, puisqu'il ne s'était pas retrouver en l'air par hasard. Mais il était perturbant pour Kyoko de voir que le garçon, la surprise passée, ne paniquait pas outre-mesure comme la plupart de ses plus ou moins innocentes victimes habituelles. Ce qui confirmait son intuition. Cet endroit était spécialisé dans l'accueil de gens dotés de pouvoir. Mais la formule employée par le garçon était étrange. Il n'était donc pas télékinésique? Quel était alors son pouvoir? Kyoko mourrait d'envie de le découvrir mais elle ne pouvait pas prendre le risque de blesser le gamin. A défaut de pouvoir le poser par terre, elle réussit à le remettre à l'endroit, ce qui état quand même une position plus digne. Elle commençait cependant à fatiguer, ce qui était le paradoxe de son pouvoir: lorsqu'elle ne le contrôlait plus, elle pouvait soulever des choses plus lourdes qu'à l'ordinaire, mais elle ne pouvait interrompre la lévitation qui la fatiguait énormément. Si elle ne trouvait pas vite une solution, elle tomberait dans les pommes, et le garçon se ramasserait par terre. Quoique. Peut-être pas, si ce qu'il avait dit était vrai. Elle décida de tenter le tout pour le tout et tendit le bras, elle savait que si elle réussissait à le toucher, la lévitation se stopperait immédiatement. Elle devait juste ne pas être en dessous de lui lorsqu'il tomberait.

-Bon, je vais toucher ton pied à 3, et tu vas tomber comme une pierre, alors prépare-toi. Et ne t'avise pas de me tomber dessus, ça m'énerverait et tu te retrouverais aussi sec là-haut. Prêt?

Kyoko prit une profonde inspiration et se plaça juste devant le garçon elle tendit le bras, se mit sur la pointe des pieds et s'arrêta à quelques centimètres de sa chaussure droite.

- 1...; 2..., 3!

Kyoko effleura le talon et recula précipitamment en sentant sa fatigue s'évanouir, signe que la lévitation avait cessé. Bien qu'il n'ait pas été suspendu très haut, le garçon tomba effectivement comme une pierre et Kyoko observa avec intérêt de quelle façon il allait bien pouvoir atterrir.

La jeune fille avait compris que Chisei savait ce qu'il faisait et avait décidé de le laisser faire. Mais avant elle avait réussi à le redresser la tête en haut et les pieds en bas. Chisei eut comme une surprise soudaine.

(j'avais oublié que j'étais la tête en bas.... je me serai cassé la tête par terre O_O).

Chisei fut intérieurement soulagé, sans que la fille n'ait pu l'apercevoir. Désormais, Chisei pouvait retomber sans accident. La fille lui dit qu'elle allait désactiver son pouvoir à 3, mais elle le déconseilla de tomber sur elle. Chisei avait compris.

Prêt?

1... 2... 3... puis Chisei n'eut même pas le temps de montrer que oui qu'il sentit la lévitation désactivée et la fille se pressait de reculer. C'était étrange de voir la force de la gravité, même s'il savait qu'il en était victime tous les jours, c'était la première fois qu'il y pensait. Il retomba sur ses deux jambes sans perdre l'équilibre, comme s'il n'avait même pas fait d'effort. Oui il était retombé comme quelqu'un qui a juste fait un petit bond sur place. Tout ça n'avait même pas duré 3 secondes. Après, Chisei releva la tête et détourna les yeux au sol, son chapeau de marin était à 2 mètres de ses pieds. Il s'avança, se baissa et le ramassa. Il se retourna vers la fille qui semblait quand même surprise mais fatiguée en même temps. Chisei connaissait certains pouvoirs communs de ce pensionnat et voulait être au clair sur les capacités de la jeune fille.

Dis-moi ton pouvoir, ce n'était pas de la télékinésie?

Mais Chisei remarqua sa première parole un peu directe et se reprit aussitôt.

Oh excuse-moi, je m'appelle Chisei Akimitsu. et toi?

Chisei attendait sa réponse en remettant son chapeau de marin droit. A première vue elle semblait un peu perdue et soit elle n'avait pas entendu sa question ou soit elle restait surprise. Chisei se demandait s'il n'avait pas vu juste au sujet de la télékinésie et que cette fille était épatée la réponse exact. A son tour c'était Chisei qui se posait beaucoup de question. D'un autre côté seul la télékinésie pouvait faire ce genre d'effet et fatiguer autant.

- C'est quoi ton truc?

Directe. Kyoko était encore un peu étonnée, ce qui expliquait qu'elle soit restée polie, bien que directe. L'atterrissage en douceur de.. Chisei? Oui c'était ça. l'avait un peu choqué. Chisei aurait aussi bien pu sortir de son lit ou descendre d'une marche d'escalier. Ce qui perturbait énormément Kyoko et confirmait que son pouvoir ne lui serait plus très utile ici, si tout le monde était capable de résister à des chutes de 3 mètres de haut. Son petit... problème l'avait fatiguée mais elle repris bientôt ses esprits.

-Bien sûr que c'est de la télékinésie, que veut-tu que ce soit d'autre? De la métamorphose?

Ce ton mordant, ironique et agressif lui ressemblait déjà plus. Elle se rendit compte qu'elle devait avoir l'air perdue et fatiguée, ce qui l'énerva car elle détestait montrer ses faiblesses. Son regard se durcit et elle jeta un regard méprisant à l'uniforme de Chisei, sans se douter que le sien serait composé d'une jupe, ce qu'elle avait en horreur. Eberluée à l'idée que l'on puisse porter pareils vêtements, elle demanda sur un ton sec mais teinté d'incrédulité:

-Est-ce que tout le monde est obligé de porter ce.... ce... cette chose?

La jeune fille ne s'était pas présenté, et au lieu de ça elle semblait foudroyer Chisei du regard. Chisei l'a très vite remarqué et a commencé à se demander ce qu'il avait fait de mal. Cette fille semblait en colère mais en même temps mal à l'aise. Elle lui demandait ce qu'était son "truc". Chisei comprit qu'elle ne s'attendait vraiment pas à son atterrissage contrôlé. Il est vrai qu'ils ne se connaissaient pas et qu'il n'avait pas encore parlé de son pouvoir "Ressort".

Mais il avait donc raison, elle utilisait bien la télékinésie. Mais elle l'avait dit d'un ton assez agressif qui faisait pensé qu'elle le détestait déjà. Mais aussitôt après avoir dit ça, elle semblait perdue et renforça son regard. Chisei commençait à se demander ce qui n'allait pas chez cette fille. Mais au bout d'un moment, elle descendit son regard sur l'uniforme de Chisei. L'ayant remarqué, Chisei baissa les yeux sur son uniforme et redressa la tête et vit que la jeune fille ne semblait pas être très enthousiaste.

(J'ai bien l'impression qu'elle n'aime pas beaucoup l'uniforme.)

Cette fille redressa la tête et ce qu'elle demanda ne put que confirmer ce que pensait Chisei:

Est-ce que tout le monde est obligé de porter ce.... ce... cette chose?

Quelqu'un qui aime les uniformes n'auraient jamais posé cette question, surtout en la qualifiant de "chose" et en bégayant. Pas besoin de réfléchir trop longtemps pour être sûr qu'elle parlait bien de l'uniforme et non d'autre chose.

Si j'ai bien retenu ce qu'on m'a dit, on doit cet uniforme sauf en cours. Il y en a deux différent, un pour l'hiver et un autre pour l'été. Nous sommes encore vers l'été, donc je porte celui d'été. Mais pourquoi? Tu ne sembles pas très contente à l'idée d'en porter un, je me trompe?

Chisei n'avait pas vraiment besoin de réponse: La fille s'assombrissait encore plus. Qu'est-ce qui la dérangeait? Peut-être le manque de liberté vestimentaire ou comme certaines filles la jupe? Mais si c'était le cas de la jupe, elle n'aurait qu'à mettre un short dessous ou dans l'ancien collège de Chisei, la taille de la jupe pouvait être choisie. Mais Chisei oubliait qu'elle avait posé une autre question.

Tu es certainement déjà au courant, mais tous les élèves de ce collège possèdent un don et pas seulement la télékinésie. Donc mon "truc" comme tu dis est un don qui se nomme "Ressort" et me permet de sauter à des hauteurs de plusieurs mètres. A la fin, j'ai appris à atterrir sans me faire mal et mes jambes ont dû se muscler rapidement. Mais tous les élèves ne peuvent pas faire ça. Certains ont d'autres techniques et d'autres faiblesses.

La jeune fille semblait un peu plus intéressée par ces paroles. Cette fille était beaucoup plus grande que Chisei, presque 1m70 tandis que Chisei n'atteignait même pas les 1m60. Il voulait sympathiser avec ses filles qui sans problème par sa taille et son air froid l'intimidait déjà. Mais peut-être qu'elle a bon fond, autant encore observer.

Il avait vu juste: cette fille semblait détester les uniformes. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi puisqu'elle n'avait pas dit la raison. Mais vu sa dernière phrase, c'était très probable qu'elle le trouvait "ridicule" comme elle l'avait dit. Vu ses gouts vestimentaires, il était évident qu'elle n'aimait pas le style simple comme les uniformes. Mais Chisei se disait qu'il était stupide de se tourmenter avec ça.

Chisei voyait très bien cette fois que ce qui l'intéressait le plus concernait les pouvoirs. Cette fille commençait à le faire penser à une personne assoiffée de pouvoir. Quelqu'un de très fière qui cherchait à devenir meilleure que les autres. Rien qu'à voir son allure, elle semblait méprisante et ironique. Il est vrai que l'on expliquait pas ce genre de chose avant l'entrée dans ce lycée. Même Chisei a dû tout apprendre par lui-même. Enfin... certaines personnes lui ont expliqué une grande partie mais ce n'était pas très important.

Cette fille utilisait la télékinésie à présent pour remplir un verre d'eau et le siroter tout en fixant Chisei d'un air froid. Voulait-elle que Chisei l'informe plus sur les pouvoirs? Mais une question tracassait Chisei depuis le début: Quel était son nom?

Tu as d'autres questions? Parce que moi j'en ai une: Comment t'appelles-tu?

Chisei n'eut pas de gène cette fois. Cette question le troublait tant qu'il voulait absolument connaitre son nom. Cette fille sirotait encore son verre et allait peut-être répondre après l'avoir fini. Mais elle avait terminé son verre, le fit aller dans la poubelle et regarda Chisei en souriant. Cette attente ne durait que quelques secondes et pourtant, pour Chisei, c'était comme si des heures s'écoulaient entre deux.

A ce moment là, Chisei commençait à se poser des questions. Peut-être que cette fille n'était pas méchante envers Chisei parce qu'elle ne l'aimait pas. En attendant depuis le début, à ce moment, c'était la première fois qu'elle souriait. Mais il comprit qu'il ne fallait pas se réjouir pour ça. Car Chisei a bien vu qu'elle avait sourit quand elle avait vu que son verre était dans la poubelle.

*J'ai un peu de mal à la cerner cette fille. Je me demande si ça sera toujours comme ça dans ce collège.*

Pour le moment, il avait juste compris qu'elle n'aimait pas l'uniforme. Ce qui n'est pas grand-chose en réalité... Il avait aussi compris que la moindre parole maladroite mettrait le feu aux poudres.

Kyoko. Cette fille se nommait Kyoko. Chisei était content d'enfin connaitre son nom. Il ne fut pas déçu ne pas connaitre son nom de famille. Mais cela importait peu. Kyoko semblait plutôt gênée et dans son regard étrangement, on pouvait sentir que dévoiler son nom était comme... une défaite. La façon dont elle avait prononcé son prénom le montrait bien, surtout qu'elle montrait qu'elle ne voulait pas en dire plus. Kyoko semblait vouloir parler d'autres choses. Comme sa dernière question......

Une école de mutants? Kyoko pensait donc être une "mutante". Chisei était étonné; jamais il ne s'était qualifié de mutant et jamais il n'avait pensé en être un. Elle pensait peut-être que les gens possédant un don étaient une menace pour les autres. Chisei n'y avait jamais pensé. Il n'avait jamais pensé causer des problèmes aux autres. Tout ce qu'il savait, c'était que cette école était principalement pour aider les "mutants" à contrôler leur don. Il ne s'était jamais demandé si c'était pour protéger les autres personnes normales. Trop de questions répétitives troublaient Chisei.

Avant d'être ici, Chisei était quelqu'un de presque normal qui effrayait parfois les gens. Mais il ne causait de tort à personnes, du moins, il ne pouvait pas en causer avec son pouvoir effectivement. Après réflexion, il avait compris que Kyoko avait un air ironique, et décida de répondre normalement.

Cet endroit est une école pour que les "mutants", comme tu dis, apprennent à utiliser correctement leur don. Ce n'est pas un programme, simplement un lycée.

Chisei pensait qu'il n'était pas nécessaire de développer cette réponse. Il était curieux de connaitre la réponse de Kyoko. Il semblait plus assuré, maintenant qu'il connaissait son nom.

Kyoko semblait de plus en plus intimider le jeune Chisei. La farce de mauvais goût qu'elle a faite subir à la jeune fille ne lui avait pas plu. Tandis que Kyoko avait du mal à s'empêcher de rire, Chisei, lui, avait du mal à se retenir de lui faire la leçon. Mais faire la leçon à cette fille qui l'intimidait tant ,et possédait un pouvoir plus terrifiant que celui du jeune garçon, était une très mauvaise idée. Il se retint, baissait un peu la tête. Faisant presque semblant de ne pas avoir remarqué le sort de la jeune fille. Même s'il voudrait bien l'aider, il pensait que Kyoko allait mal le prendre.

Elle demandait juste avant ça où elle devait s'inscrire. Chisei n'en a pas beaucoup de souvenirs de son premier jour. Mais il est presque sûr que c'était au secrétariat. Mais il avait peur de se tromper. Il avait peur que Kyoko pense qu'il lui faisait une mauvaise blague et se venge. Oui cette fille commençait à l'effrayer. Mais ne rien lui dire aussi pourrait l'énerver. Chisei prit son courage à deux mains et tenta le coup.

"Il me semble que c'est au secrétariat. Mais je n'en suis pas totalement sûr. Mais en allant au secrétariat et que ce n'est pas le bon endroit, ils pourront toujours te le dire."

Cette fois Chisei était soulagé, il était sûr de ne pas commettre d'erreur qu'il regretterait par la suite en lui donnant cette information. Ensuite, il n'eut pas vraiment de peine à trouver la réponse à la deuxième question. Il s'agissait d'une chose évidente pour lui depuis toujours.

"Nous ne sommes pas des mutants. Simplement des êtres humains. Avec un don en plus, mais des êtres humains en tout cas."

Ayant remarqué la soif de pouvoir et la fierté de Kyoko, Chisei se demandait cette fois si elle n'allait pas mal prendre cette réponse. Ce n'était qu'une impression, mais Kyoko ne semblait pas avoir envie d'être rabaissée. Être rabaissée à des humains n'allait peut-être pas lui plaire. Mais pour ne pas l'énerver avec des provocations, Chisei gardait le sourire naturel qu'il a toujours. Essayant de tenir tête à Kyoko, ou de ne pas craquer. Il était certain que quelqu'un de bien se cachait en elle. Et par fierté, il ne supporterait pas se tromper.

Quelque mots après, Kyoko avait décidé de se rendre au secrétariat sans plus se soucier de Chisei et était prête à l'abandonner sur place. Seulement après quelques pas, elle s'était retournée pour lui demander de l'accompagner au secrétariat. Elle rajoutait que c'était si il le voulait. Chisei n'avait pas bien compris cette dernière phrase. Est-ce qu'elle voulait être accompagnée ou non? Son sourire qui semblait quand même "forcé" montrait qu'il avait quelque chose qui la dérangeait. Ou alors, qu'elle hésitait.

*Est-ce que je la dérange tant que ça? Serait-ce mon avis sur ce qu'elle appelle les "mutants" qui l'a tant dérangé? Car il y a encore quelques secondes, j'avais vraiment compris que notre discussion s'était terminée. Ou en tout cas, elle faisait comprendre qu'elle ne voulait plus discuter.*

Mais c'était l'occasion de voir le comportement de Kyoko face aux adultes. Jusqu'à maintenant, elle n'avait pas l'air très sociale ni très respectueuse envers les gens. Mais était-ce le cas avec les gens plus matures? Ca intriguait Chisei. Si elle était polie avec les adultes, Chisei aurait la confirmation qu'elle pouvait être gentille dans le fond. Sinon, Chisei n'aura qu'à patienter un peu plus pour trouver son bon côté. Aucun bon côté? Non. Il ne le croyait pas. Cette possibilité lui était impossible.

Mais cette longue réfléxion n'avait pas changé sa réponse finale. Il sourit à Kyoko.

"Bien sûr"

Il s'avança vers Kyoko out en remettant son chapeau droit. A côté d'elle, il lui faisait signe qu'il était prêt à y aller. Il avançait mais, d'un pas hésitant et ralenti. Comme pour faire signe qu'il avancerait plus vite lorsque Kyoko se serait décider de se remettre en marche. Il pointa son doigt devant lui en regardant Kyoko.

"Le secrétariat, c'est par là. Là où tu allais juste avan-..."

Chisei avait coupé son dernier mot rapidement.

"Oh excuse-moi. Je crois que tu ne l'avais pas oublié si vite."

Oui, il avait peur que Kyoko pense qu'il la prenait pour "une mémoire courte" et que cela la vèxe. Il faut dire qu'elle l'intimidait toujours autant depuis tout à l'heure. Il décida de se taire jusqu'à sa prochaine réponse pour pouvoir continuer.

Lui et Kyoko était rentré dans une pièce vaste qui n'était autre que le secrétariat. Cet endroit lui rappelait des souvenirs. Le jour de son inscription à l'académie. Il s'en souvenait très bien en fait. Ca n'avait pas duré très longtemps, mais il se souvenait qu'il était heureux d'entrer ensuite à l'académie. Il regardait avec insistance la pièce entière. Il n'avait pas vu que Kyoko avait commencé à parler à la vieille dame du secrétariat.

Pour résumer leur discussion, la vieille dame lui rappelait le règlement et Kyoko lui répondait souvent d'une façon... ironique. D'un ironique désagréable. La secrétaire montrait bien qu'elle était choquée mais continuait malgré tout. Après une longue discussion qui se résumait à ça, Kyoko dit fermement qu'elle refusait de mettre l'uniforme et demandait à Chisei de la suivre. Ce dernier resta bouche bée et figé un long moment. Elle était encore plus désagréable avec les adultes.

*Je n'arrive pas à y croire.... J'aurais quand même cru que cette fille se forcerait un peu d'être polie avec les adultes. Je commence à me demander s'il y a vraiment du bon en elle. Peut-être.... peut-être pas finalement? Non! Il est hors de question d'abandonner aussi facilement.*

Il s'était décidé de continuer à la suivre. Mais il n'avait pas remarqué que Kyoko attendait sa réponse depuis un petit moment.

"Euh... eh bien ou-"

A ce moment là, la secrétaire qui été silencieuse depuis un petit moment se leva d'un bond et s'adressa à Kyoko.

Attends une minute! Cet uniforme est obligatoire. Jeune homme...?"

Elle demandait par là le nom de Chisei qu'elle avait oublié. Il répondit en bégayant un peu paniqué.

"Chi-Chi... Chisei Akimitsu!"

La secrétaire reprit aussitôt.

Bien Chisei Akimitsu. Demande à la jeune.... Elle regarda la fiche que lui avait rendu Kyoko à l'instant....Kyoko Soga de revenir s'excuser et d'accepter son uniforme.

Chisei hésitait. Il connaissait déjà un peu Kyoko et savait que s'il faisait ça, sa réaction ne serait pas très positive. A première vue Kyoko s'en fichait. Mais en fait, elle refusait cet uniforme. Que faire? Désobéir à la secrétaire ou agacer Kyoko. Il préférait la solution la moins risquée.

"Euh..... Kyoko.... elle t'a parlé."

Il se tut. Il trouvait cette intervention bien suffisante. La secrétaire resta silencieuse un petit moment et se rassit doucement.

Après un petit moment, Chisei ne disait toujours rien. Il se disait que dire un mot de plus avant une quelconque réponse des personnes présentes était une mauvaise idée. Il essayait de garder son calme. Il n'avait cependant pas entendu que Kyoko était venu à côté de lui en souriant. Elle posa sa main sur son épaule et la serra doucement. Cette action avait fait sursauter Chisei qui s'attendait au pire maintenant. Il allait certainement devenir une nouvelle victime de son don terrifiant. Mais ce ne fut pas le cas.

A la place, elle lui sourit en le rassurant. Elle disait, que c'était la seul personne qu'elle ne voulait pas "brutalisé tout le temps" en gros...? Vraiment? C'était surprenant de sa part. Et ces paroles fonctionnèrent puisque Chisei s'était calmé. Il avait retrouvé son sourire.

*Je savais que cette fille n'était pas tout le temps méchante.*

Sauf s'il s'agissait d'une première, mais ce serait étonnant quand même.

Elle s'était retournée vers la secrétaire et s'excusa. Mais chacunes de ses phrases sonnaient creux. Par là, cela signifie que Kyoko ne les pensait pas, même l'expression dessiné sur son visage le montrait. La secrétaire le savait, c'était évident. Mais elle resta calme et continua à lui rappeler le réglement.

La secrétaire essayait de "rassurer" Kyoko. Sa façon de s'approcher d'elle était classique, et elle pensait certainement que c'était efficace. Mais à en juger par ce que montrait par l'expression "dérangée" de Kyoko, ça ne marchait pas. Bah d'un côté c'était logique, cette méthode de rapprochement gonflerait même Chisei, qui est pourtant difficilement énervé. Un moment donné, la secrétaire prononça le nom de famille de Kyoko dans sa phrase, et Kyoko l'arrêta subitement.

Elle était furieuse de ce qu'a dit la secrétaire en fin de compte. Elle lévita à quelques centimètres du sol en faisant trembler ce qui se trouvait sur la table de la secrétaire et se posa sur sa table en lui hurlant qu'elle ne voulait pas de son aide. Mais elle se calma rapidement et se retourna vers Chisei.
Chisei était très surpris par le changement d'humeur soudain de Kyoko. Mais moins que les premières fois. Peut-être s'était-il habitué. Elle est bien lunatique donc? Quoique, pas vraiment. Il se rappelait qu'elle avait mentionné le nom de famille.

*Qu'est-ce que c'était? Soja?... Soka?... Soha?... Soga? Oui il me semble que c'était Soga.

Elle se prénommait donc Kyoko Soga. Soga, ce nom lui était assez familier. Venait-il d'une personne connue ou alors ce nom est peut-être répandu. Il ne s'en rappelait pas. Il avait levé la tête doucement d'un air calme vers Kyoko.

"Ton nom complet est donc Kyoko Soga?"

Mais la secrétaire, terrifiée jusqu'à présent et "réveillée" par les paroles de Chisei, fixa son regard dans celui de Kyoko. Son regard était froid et strict, et mécontent.

"Je vous ai peut-être fait de la peine ou trop familière d'un coup. Si c'est ça, veuillez m'excuser. Mais si vous pouviez descendre de mon bureau je vous prie!

Elle se retourna vers Chisei d'un air intérrogé. Comme si ça la surprenait qu'il ne savait pas son nom de famille et son prénom oui.

"Oui, cette fille se nomme Kyoko Soga et a un passé difficile puisqu'elle a un grand lien avec L'Incident Soga. Tu l'ignorais Chi.... hum Chisei", dit-elle en bégayant le nom de Chisei qu'elle avait du mal à retenir, contrairement à celui de Kyoko.

L'incident Soga? Chisei avait déjà entendu parler de cet incident, mais il n'a jamais su ce qui c'était passé dans cet incident. Puisque son nom de famille est Soga et que l'incident se nomme lui aussi Soga, cet incident devait avoir un lien avec sa famille. Que c'était-il donc passé? La secrétaire refixa Kyoko.

"Je vous le répète, pouvez-vous descendre de mon bureau je vous prie.

Il regarda Kyoko, d'un air comme s'il n'avait rien compris à cet incident malgré sa petite théorie à son propos. Il murmura doucement.

"L'incident...Soga?"

Il avait oublié de penser à la réaction que pourrait avoir Kyoko par rapport à ça. La secrétaire se retourna vers Chisei, prête à répondre.

Chisei avait entendu son nom. Génial. Ne manquait plus que ça. C'est seulement lorsque la secrétaire se reprit et s'adressa à elle qu'elle prit conscience qu'elle avait abouti sur le bureau de la secrétaire. D'un air dédaigneux, elle sauta souplement du bureau et atterrit avec légèreté en fléchissant légèrement les genoux. Elle eu une pensée ironique pour Chisei *Tu n'es pas le seul à savoir atterrir en douceur* Elle se tourna vers la secrétaire:

-En fait, je suis l'Incident Soga, vu que je suis la seule survivante et donc la seule qui sait exactement ce qu'il s'est passé ce jour-là. Et effectivement, vous êtes beaucoup trop familière. Le fait que vous connaissiez mon nom et mon histoire ne vous autorise en rien à me parler comme si vous me connaissiez personnellement ni à le raconter aux autres. Vous avez vos papiers et je suis inscrite, j'ai plus rien à faire ici.

Kyoko se tourna vers Chisei et se promit de tout lui expliquer. Mais pas ici. Et surtout pas devant cette femme. Que se passait-il? Chisei s'était imposé à elle si... facilement. Malgré des débuts un peu catastrophiques, elle était maintenant prête à lui révéler son histoire alors qu'elle le connaissait depuis moins d'une heure. Alors qu'elle ne le connaissait pas, en fait. Mais... pour la première fois qu'elle portait attention à quelqu'un elle se rendait compte que certains visages étaient si expressif que même des gens comme elle pouvait percer leurs pensées. Chisei était de ceux-là. Son visage honnête, souriant, inspirait confiance sans qu'il fit rien de spécial. Il se contentait d'être lui, mélange de timidité, de curiosité, d'innocence et de volonté d'aider. L'exact opposé de Kyoko en fait. Il fallait qu'elle sorte, tout cela faisait trop pour elle. Elle avait besoin de sauter sur sa moto et de tracer sa route, rien ne lui ferait plus de bien que sentir le vent sur son visage.Mais elle savait aussi que si elle partait, sa fierté lui interdirait de revenir. Elle aurait montré une faiblesse, ce qu'elle avait en horreur. Elle venait déjà de se donner en spectacle en perdant le contrôle et en montrant que ce sujet était sensible pour elle. Dès qu'elle aurait un moment d libre, elle se promit de chercher un gymnase et d'y effectuer des exercices d'assouplissement qui la viderait de son énergie et lui permettrait de faire le vide dans sa tête.
Kyoko se tourna vers Chisei.

- Oui je m'appelle Kyoko Soga et.... pour le reste, je t'expliquerais. Mais pas ici. Tu connaîtrais pas un endroit tranquille, de préférence dehors.... ?


Et, sans attendre sa réponse, elle sortit du secrétariat à grand pas, sans daigner saluer la secrétaire. Elle traversa le hall comme un ouragan, franchit la grande porte et se planta sur le perron pour attendre Chisei. Son visage fermé dissuadait la plupart des élèves de se plaindre du fait qu'elle bloquait le passage et se contentaient de la contourner. Quelques uns tentèrent de l'intimider mais les éclairs que lançaient ses yeux et l'air de mépris total qu'elle affichait lorsqu'elle consentait à se décaler d'un demi-millimètre les convainquait bien vite de passer leur chemin. Kyoko n'avait pas songé une seule seconde que certains d'entre eux avaient peut-être un pouvoir capable de la dominer, mais son air dur suffisait à donner l'illusion qu'elle était forte et qu'elle le savait.

Kyoko était l'incident Soga? Qu'est-ce qu'elle voulait dire? Chisei comprenait de moins en moins. Le fait que cet incident lui soit si flou ne l'arrangeait pas. Il ne savait pas du tout ce qu'il s'y était passé. Par là, elle ne pouvait que dire qu'elle était la Cause de L'Incident Soga.

Elle n'avait pas apprécié l'intervention de la secrétaire. Pourquoi? Qu'est-ce que cette histoire pouvait avoir pour la troubler ainsi? Il restait là et écoutait en tentant de comprendre, toujours en vain. Kyoko l'avait ressenti. Elle s'était tourné vers lui pour lui adresser quelques mots.

Oui je m'appelle Kyoko Soga et.... pour le reste, je t'expliquerais. Mais pas ici. Tu connaîtrais pas un endroit tranquille, de préférence dehors.... ?

C'était bel et bien son nom. Et elle voulait lui faire part des détails. Mais le secrétariat ne semblait pas être l'endroit idéal. L'extérieur lui était favorable. Mais sans attendre une réponse, elle avait quitté la pièce en laissant Chisei et la secrétaire seuls. La secrétaire se remit droite sur sa chaise puis ramassa les quelques objets tombés de son bureau. Tout en les reposant l'un après l'autre sur son pupitre, elle murmurait quelques mots qui n'étaient pas vraiment adressés au jeune garçon.

"Encore un nouveau problème dans l'enceinte du pensionnat. Quel dommage."

Dommage? Ces mots le dégoutaient. Kyoko n'était pas un "dommage". N'importe qui devait être traité correctement et respecté au pensionnat, non? Ce qui était dommage, c'était d'entendre cette conclusion méprisante. Il tremblait légèrement de colère, pour la première fois révolté du sort de Kyoko.

"Dommage? Pourquoi? C'est une élève de ce pensionnat depuis quelques minutes pourtant. Une élève comme les autres."

La secrétaire ne comprenait visiblement pas où il voulait en venir. Mais c'était trop tard. A peine Chisei avait fini sa phrase qu'il parti en courant retrouvé Kyoko, laissant la secrétaire seule. Il courrait dans les couloirs, ni très vite, ni très lentement. Il voulait bien voir s'il n'avait pas loupé Kyoko. Où était-elle? Elle disait qu'elle voulait aller dehors. Donc autant aller voir si elle se trouvait dehors, devant la grande entrée. Il se dirigea vers la grande entrée et s'arrêta net pour pousser la porte délicatement. Sur le perron se trouvait Kyoko.

Il la regardait pendant quelques instants. C'était un silence complet. Chisei rajusta son uniforme qui s'était un peu défait par sa course et les différents évènements. Il dit enfin.

"Tu voulais.... me parler à propos de quelque chose?"

Il s'approcha un peu plus de Kyoko avec une expression toujours aussi curieuse.

"Tu... disais être l'incident Soga? Comment ça? Je ne sais même pas de quoi il s'agit vraiment pour être franc."

Il regardait Kyoko dans ses yeux froids de toujours. Il attendait une réponse de sa part, une longue réponse.

Après quelques minutes, Chisei apparut sur le perron à son côté. Kyoko ne réagit pas. Il réajusta son uniforme puis s'approcha et l'observa avec curiosité.

"Tu voulais.... me parler à propos de quelque chose?... Tu... disais être l'incident Soga? Comment ça? Je ne sais même pas de quoi il s'agit vraiment pour être franc "

Kyoko descendit les trois larches du perron et parcouru d'un pas lent l'allée, tentant de mettre ses idées en place. Elle repéra un grand arbre et s'assit, le dos contre son tronc. Elle ferma les yeux et les rouvrit en entendant Chisei s'installer près d'elle.

- Je vais t'expliquer mais ne m'interrompt surtout pas. C'est la première fois que j'en parle et pour être honnête, j'ai essayer d'oublier cette période de ma vie. (Kyoko prit une grande inspiration). Mes parents étaient Kagami et Nobunori Soga, tu as du entendre parler de ma mère, elle était architecte et quelques unes des plus belles maisons japonaises sont son oeuvre. Nous étions très riches. Et ma famille a toujours eu des membres Anormaux. Pas mes parents cela dit.

J'avais un frère. Daisuke. Un imbécile prétentieux. Mes parents n'étaient pas souvent là. Comme la plupart des parents riches j'imagine. Tout mes amis étaient comme moi. Et oui, j'avais des amis. Et j'étais bien loin de ce que je suis aujourd'hui. Kyoko eut un sourire ironique. J'étais... sotte, naïve, superficielle, joyeuse, j'avais confiance en la vie.

Et puis... il y a sept ans. Nous sommes partis en vacances aux Caraïbes comme tout les ans, un mois où mes parents éteignaient portables, ordinateurs. Mon grand frère avait quelque chose comme quinze ou seize ans à l'époque. Il devenait... insupportable. Enfin.. encore plus insupportable que d'habitude. Il était persuadé d'être le prochain Soga doté de pouvoir. Alors, pendant un mois, il n'a pas cessé de nous énerver en testant tous ce qu'il pouvait. Sur le vol du retour, il a découvert qu'il pouvait soulever et déplacer les objets par pensée. Comme moi. Mais il ne maitrisait pas son pouvoir. Enfin, encore moins que moi. A un moment, il a perdu le contrôle. Tous ceux qui étaient dans le jet se sont retrouvés à flotter, pilote et copilote compris. Daisuke a paniqué, il n'arrivait pas à rompre la lévitation *Comme moi tout à l'heure*,mais Kyoko ne le précisa pas. Quand la télékinésie n'est pas voulue, elle nous fatigue très vite. Alors il est tombé dans les pommes, et nous sommes tombés. Le pilote est mort sur le coup, son cou s'est rompu quand il est tombé. Le copilote a perdu connaissance. Mes parents aussi. J'étais la seule encore consciente. Je ne sais pas combien de temps a duré la chute, a un moment, je crois que ma tête a heurté quelque chose, tout ce que je sais c'est que je me suis réveillée deux mois plus tard dans un hôpital. On m'a dit qu'on m'avait retrouvée à une centaine de mètres de l'avion, flottant à quelques centimètre au dessus du sol. Quand les secours m'ont touché, je suis tombée et j'ai passé deux mois dans le coma. C'est ça, l'Incident Soga.

Kyoko se tut. Elle s'était bien plus révélée qu'elle ne l'aurait voulu. Elle ne parla pas de l'orphelinat, de ses amis qui l'avait rejeté, des tours qu'elle jouait à ses camarades. Elle ne parla pas non plus de ses grands-parents, de son accident qui lui avait valu la perte de son oeil gauche. Inconsciemment, elle rabattit correctement sa mèche devant son oeil, afin qu'il soit bien caché. Elle ne regarda pas Chisei et attendit sa réaction. C'était la première fois qu'elle racontait ce qu'il s'était passé. Les psy s'étaient cassé les dents pour essayer de lui soutirer des informations. C'est à ce moment-là qu'elle avait compris qu'une attitude larmoyante ne lui attirerait que des médecins énervés et qu'au contraire, l'ironie, l'assurance et les vannes bien placées la débarrasserait rapidement de leurs questions. Alors elle avait adopté cette attitude avec tout le monde, et elle y avait pris goût. Le goût du pouvoir sur les autres.

- Je sais que je ne suis responsable de rien. Mais si je n'avais pas survécu, les médias auraient inventé une excuse bidon sur l'accident, on aurait rappelé les dangers des jets privés et l'affaire en serait restée la. Au lieu de ça, on m'a regardée comme un monstre depuis ce jour. Et j'aurais préféré qu'on me prenne pour un monstre à cause de ma télékinésie plutôt qu'a cause de mon imbécile de frère. Tu sais, qu'il soit mort... ca ne me fait absolument rien, parfois, je me dit que c'est même aussi bien, je n'ai plus à le supporter. Alors je me dit que je devrais me haïr, qu'en effet je suis peut-être un monstre et tu sais quoi? .... - Kyoko se rapprocha de Chisei et lui murmura à l'oreille : - Je m'en fiche complètement, en fait j'aime assez cette idée.

Kyoko resta quelques secondes le visage à quelques centimètres de celui de Chisei, un sourire narquois aux lèvres, histoire d'observer sa réaction. Elle avait eu le temps de reprendre ses esprits pendant qu'il refléchissait à son monologue. Elle se recula soudain, se remit souplement debout et s'adressa à Chisei sans le regarder:

-Je vais passer par ma chambre, et puis j'explorerais un peu les lieux. On se recroisera peut-être.... ou pas.

Kyoko tourna les talons, et, son sac noir toujours sur le dos, se dirigea d'un pas vif et assuré vers le batiment. Parler lui avait fait plus de bien qu'elle ne l'aurait cru. Mais elle avait envie d'être seule. Mentalement elle se construisit un petit planning - déposer ses affaires, fouiller pour dénicher un justaucorps propre dans son sac, trouver un gymnase et s’entraîner jusqu'à ce qu'elle ne sente plus ses muscles, se doucher, lire un peu, s'entrainer à la télékinésie, explorer le pensionnat de nuit, peut-être dormir un peu... - tout en se dirigeant vers l'étage reservé aux filles. Elle ne pensait déjà plus à Chisei.