Azil avait peur. Elle se sentait. Sa voix tremblait pendant son chant. Aiguisée comme un prédateur devant sa proie, Cherry pouvait presque humer le désarroi de son amie. Pourtant, elle lui avait dit de ne pas s'inquiéter. L'arc-en-ciel rêvait de voler, pas de tomber, elle ne tomberait donc jamais. C'était aussi simple que cela. Si elle ne l'avait pas décidé et bien ça ne lui arriverait pas. Sauf si l'Univers s'en mêlait, mais alors là ce n'était plus de son ressort de pauvre mortelle. Après tout, comment s'opposer à une puissance aussi monstrueuse ? Ce serait la faute à son pouvoir, comme d'habitude. Peut être que, quelque part dans le monde, elle avait causé trop de bonheur et que le destin était obligé de rééquilibrer la balance en la punissant. Mais où serait le malheur si elle mourrait ? Ça n'avait pas de sens, un grand bonheur est toujours compensé par un grand malheur. Et la mort n'en est pas un. Trop rapide, trop propre, aussi sale soit-elle. Non, même si elle tombait, elle survivrait elle en était sûre. Histoire de finir paralysée et de pouvoir être malheureuse tout son reste de vie. Voilà qui serait déjà plus logique. Mais dans ce cas, Cherry n'avait aucune raison d'avoir peur. La mort ne l'attendait pas au bord de ce vide de trois étages. Seulement la tristesse et le regret.

Mais la jolie rousse, elle, avait peur. L'américaine ne comprenait pas pourquoi. Elle ne savait pas comment la rassurer, comment lui faire comprendre. Et puis elle regarda vers le bas, une fois encore et sourit. Cherry sauta. Azil hurla.

« Tu m’avais promis que tu tomberais jamais ! Connasse ! »

L'arc-en-ciel releva une moue chagrine vers sa compagne. Connasse ? Un des premiers mots japonais qu'elle avait appris sans doute. On pouvait même dire qu'elle connaissait beaucoup mieux les gros mots que d'autres mots plus élogieux. Elle fit sa tête de chien battu :

« Mais ! Je suis pas tombée, regarde ! »

Bras écartés, elle se fit quelques pas sur le balcon où elle venait d'atterrir.

« Je t'ai dit que je tomberai jamais, tu pourrais avoir un peu plus confiance tout de même ! dit-elle en s'approchant de la porte fenêtre, pour regarder ce qu'il y avait de l'autre côté. Hé ! Mais ! Hé c'est la chambre du dirlo ! Tu savais qu'il avait un balcon toi ? »

Elle se redressa pour chercher le regard amusé, curieux, rieur de son amie et ne trouva que deux lacs noirs absolument tout sauf amicaux. D'abord interdite, Cherry se dit que peut être elle y était allée un peu trop fort. S'approchant doucement du rebord où se trouvait la rousse, elle lui tendit les bras.

« Viens, je t'aide à descendre. »

Puis, plus doucement :

« Oublie ton chagrin, surtout ne crains rien.
Je prends en main ton destin.
Lorsque le danger te menacera,
Je serai là avec toi. »

Azil semblait toujours hésitante, comme un animal apeuré et suspicieux. L'américaine esquissa un sourire pour la rassurer.

« Tu es si fort et si fragile.
Viens dans mes bras,
Je te ferai une île.
Ce lien qui nous lie ne cass'ra pas,
Ne pleure pas, je suis là. »

Elle finit pas lui prendre les mains et Cherry la reposa en douceur sur le sol. Souriante et sa lâcher sa toute petite main, elle s'exclama :

« Alors, ça te dit d'explorer ? »