DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING

Alors même que l’alarme incendie faisait trembler les murs du pensionnat en ce samedi matin – 6h55 – ensoleillé, le directeur Ken patientait en souriant dans la cour. Derrière lui, cinq rutilants bus jaunes attendaient également. Normalement, d’ici quelques minutes, les élèves ne tarderaient pas à arriver, les yeux rougis de sommeil et des bas de pyjamas fleuris sur les fesses. Parfaitement entrainés depuis leur arrivée dans l’établissement, ils savaient qu’à l’entente de l’alarme ils devaient rapidement se regrouper dans la cour puis, sous l’égide des professeurs, sur les terrains s’étendant plus loin. Rien qu’à imaginer leur tête devant les bus et leur surprise en voyant que l’école ne brûlait absolument pas, Ken jubilait intérieurement. Quelle bonne idée j’ai eu là, n’empêche !
Planté comme un I dans sa tenue jaune fluo, sa casquette rouge surmontée d’une main à l’index levé en mousse, le directeur se mit à siffler comme un demeuré dans le sifflet argenté qu’il portait autour du cou en apercevant ses premiers pensionnaires.

« TOUS EN VOITURE JEUNES GENS ! EN ROUTE POUR L’AVENTURE ! »

Fier de sa rime, il s’engouffra lui-même dans le premier véhicule derrière lui. Il attendit encore quelques instants, le temps de voir les sièges se remplir un à un, puis fit signe au chauffeur qui ferma les portes et mis les voiles, suivit de ses confrères. Alors, saisissant le micro qui transmettait également ses propos aux quatre autres bus, Ken se mit à hurler avec son sourire effrayant habituel :

« Bienvenue bienvenue chers élèves ! Vous vous demandez sans doute pourquoi votre très aimé directeur vous convoque tous d’une façon si inhabituelle en ce charmant début de week end, hum ? Une idée ? Pas d’idée ? Mais vous dormez ou quoi ?

A 7h du matin, sans blague.

_ Bon, je vous le dis alors, dit-il d’une voix boudeuse. NOUS PARTONS AUX SOURCES CHAUDES !! »

Acclamations dans la salle, hurlements de joie, pleurs de gratitude … ou juste un silence perplexe. Nouveau sourire du directeur, toujours aussi effrayant.

« Et oui mes poussins, dans sa grande générosité Maman a spécialement fait construire pour vous un petit paradis privé au cœur de la montagne, une charmante maison de bains à tout juste 2h de bus d’ici dans laquelle vous pourrez vous rendre seuls dès ce week-end passé ♥. »

Les bras écartés en V pour Victoire, Ken attendit patiemment que ses élèves réagissent à cette excellente nouvelle. Après tout, quels adolescents en chaleur n’aimeraient pas aller déchaîner ses ardeurs dans des bains en compagnie d’ami(e)s ? Explorer les montagnes – habitées d’ours à ce qu’il parait – durant une charmante randonnée au lever du jour ? Essayer de trouver le trésor caché dans la grotte derrière la célèbre cascade de la région, sans pour autant se faire gober par le monstre du lac ? Ou juste partir à la recherche du fantôme hantant le Bain-Privé aux heures les plus noires de la nuit ? A moins de se contenter d’une compétition sportive entre jeunes hommes musclés et énergiques ? Ken regrettait presque de ne pas avoir posté de nombreuses caméras cachées dans les bains et lieux environnants, tel le célèbre livre et film dont il ne citerait pas le nom. Il se mit à rire machiavéliquement – et tout seul – dans son micro à cette sublime idée.

« Bon, le temps que vous vous remettiez de la nouvelle, je vous fais passer ce petit papier contenant l’emploi du temps de ce week-end ressourçant – haha, trop drôle ! Ne le perdez pas, vous n’en aurez pas de deuxième ! »

Et sur ce de balancer un paquet de feuilles volantes dans le bus. Avec classe, toujours.

Citation :

SAMEDI

7h/ Kidnapping.
9h/ Arrivée aux Sources Chaudes.
12h/ Repas.
14h/ Bains.
17h/ Tournoi de Ping-Pong.
20h/ Dîner.
22h/ Couvre-feu.
23h/ Extinction des feux.

DIMANCHE

8h/ Début du Petit-Dejeuner.
10h/ Randonnée en montagne.
12h/ Pique-nique en forêt.
14h/ Bains.
19h/ Retour au Pensionnat Aomori.

Se rappelant soudain un détail assez important vues les tenues plus qu’hétéroclites que portaient les jeunes gens l’entourant, Ken saisit une nouvelle fois le microphone.

« Bien sûr, des sacs contenant des vêtements plus appropriés vous attendent dans votre chambre aux sources, cela va de soi. »

Bien sûr mon ami, c’est l’évidence même, qui ne s’en doutait pas ? Pendant que les pauvres ères lui servant d’élèves se remettaient de cette avalanche d’informations, Ken se saisit en sifflotant d’un bel aquarium en verre massif – sans déconner – contenant un joli paquet de petits papiers blancs, bien pliés comme il faut, contenant chacun un nom. Un dernier sourire effrayant, et tout serait fini.

« Bon, et maintenant, je vais annoncer les duos pour ce week-end… »